Le régime de la sous-location en matière de bail commercial résulte de l’article L. 145-31 du Code de commerce, qui dispose :

« Sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite ».

Le principe est donc l’interdiction de sous-louer le local commercial, sauf autorisation du propriétaire.

En outre, l’article L.145-31 alinéa 2 du Code de commerce ajoute qu’en « cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l’acte ».

Il en résulte deux conditions distinctes et cumulatives pour sous-louer un local commercial :

  • d’une part la sous-location doit être autorisée par le bailleur,
  • et d’autre part, le bailleur doit être invité à concourir à l’acte.

C’est donc un régime dérogatoire au droit commun prévu par l’article 1717 du Code civil (en droit commun la sous-location d’un bail est en effet autorisée par principe).

Ce régime dérogatoire en matière de bail commercial a toutefois un champ d’application stricte.

I. Champ d’application du régime dérogatoire en matière de sous-location commerciale

Le régime dérogatoire prévu aux articles L. 145-31 et L. 145-32 du Code de commerce ne concerne que les contrats de sous-location proprement dits.

Il s’agit donc d’un contrat de bail entre un locataire principal et un sous-locataire, qu’il s’agisse d’une sous-location à titre principal (sur l’ensemble du local) ou à titre partiel (une partie seulement du local), peu important également que le sous-locataire règle en argent ou en contrepartie d’avantages en nature. Cependant, la sous-location est nécessairement à titre onéreux.

En revanche, la domiciliation ne constitue pas une sous-location et le bénéficiaire d’un contrat de domiciliation ne saurait revendiquer le statut des baux commerciaux.

Pour que le régime prévu aux articles L. 145-31 et L. 145-32 du Code de commerce trouve à s’appliquer, bail principal doit être soumis au statut des baux commerciaux.

A contrario, ce régime s’applique même si le contrat de sous-location ne constitue pas lui-même un bail commercial.

Ainsi une sous-location à usage d’habitation ou à titre de bail dérogatoire doit respecter les conditions d’autorisation du bailleur, dès lors que le contrat principal constitue lui un bail commercial.

II. Les conditions pour sous-louer un bail commercial

A. Première condition : autorisation du bailleur de sous-louer

Les dispositions de l’article L. 145-31 du Code commerce n’ont pas un caractère d’ordre public : une clause du bail autorisant la sous-location, ou limitant cette possibilité à certaines parties de l’immeuble ou à certains commerces, est donc licite.

Mais en cas de silence du bail, l’interdiction reste le principe (c’est l’inverse qui s’applique en matière de cession de bail : en cas de silence du bail, l’autorisation de céder le bail s’applique par principe compte tenu de l’article 1717 du Code civil).

L’autorisation du bailleur peut être donnée en cours de bail pour une sous-location déterminée au profit d’une personne. Elle peut être donnée dans l’acte de sous-location. En principe l’autorisation doit être préalable et expresse. Á défaut la sous-location serait irrégulière. Toutefois, une autorisation postérieure pourrait permettre de régulariser la situation.

En cas d‘indivision, l’autorisation de sous-louer doit être donnée par tous les indivisaires.

B. Deuxième condition : concours du bailleur à l’acte.

L’autorisation donnée par le bailleur ne dispense pas le preneur de l’appeler à concourir à l’acte de sous-location. Toutefois l’article L. 145-31 du Code de commerce n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent renoncer à ce concours (la renonciation devant être expresse et non-équivoque).

C. Sanction de la sous-location irrégulière.

La sous-location est irrégulière si l’une des deux conditions de validité exposées ci-dessus n’est pas respectée, à savoir l’absence d’autorisation du bailleur et violation des dispositions relatives au concours du bailleur.

Dans ce cas, l’acte est inopposable au bailleur vis-à-vis de qui le sous-locataire est un occupant sans droit ni titre dont l’expulsion peut être obtenue sans indemnité.

La jurisprudence admet également que le bailleur puisse demander la résiliation judiciaire du bail en cas de violation des dispositions de l’article L. 145-31 dès lors que les juges considèrent que le manquement est suffisamment grave pour justifier la résiliation.

De même, de jurisprudence constante, le non-respect des formalités de l’article L. 145-31 constitue un motif grave et légitime de refus de renouvellement sans que le bailleur ait l’obligation de lui délivrer une mise en demeure.

Enfin, si l’interdiction de sous-louer est sanctionnée dans le bail par une clause résolutoire, la sous-location irrégulière constitue une faute permettant de la mettre en œuvre, le preneur pouvant toutefois solliciter du juge la suspension des effets de la clause résolutoire, afin de lui accorder un délai pour régulariser la situation.

III. Les effets de la sous-location du bail commercial

A. Rapports entre le locataire principal et le sous-locataire

Les rapports entre le locataire et le sous-locataire relèvent, pour l’essentiel, des règles régissant les rapports entre un bailleur et son locataire. Sachant que le locataire principal ne peut conférer à son sous-locataire plus de droits qu’il n’en détient lui-même.

Durée de la sous-location

Il n’est pas nécessaire que la durée du bail principal et celle de la sous-location coïncident. Toutefois, le locataire ne peut évidemment consentir une sous-location d’une durée supérieure à la durée résiduelle du bail principal.

A cet égard, durée du contrat de sous-location commerciale était susceptible de susciter des difficultés du fait de la combinaison complexe entre, d’une part, la règle d’ordre public selon laquelle un bail commercial doit avoir une durée minimale de neuf années et, d’autre part, la règle selon laquelle le sous-bail s’éteint en même temps que le bail principal.

La Cour de cassation a admis qu’un sous-bail commercial peut être conclu pour une durée inférieure à celle du bail principal.

Elle a également précisé dans cette décision que la durée prévue du sous-bail ne constituait pas une renonciation de l’une ou l’autre des parties aux dispositions du statut des baux commerciaux qui imposaient la délivrance d’un congé par acte extra-judiciaire.

Activités exercées dans les locaux sous-loués

Les activités exercées par le sous-locataire doivent être identiques à celles exercées par le locataire principal, sauf autorisation expresse du bailleur.

B. Relations entre le locataire principal et le bailleur

Continuité des relations

La conclusion d’un contrat de sous-location ne modifie pas les relations entre le bailleur et le locataire principal, lequel reste responsable des dégradations commises pas le sous-locataire comme s’il occupait lui-même les locaux.

Le bailleur peut demander en justice la résiliation du bail principal si le sous-locataire n’exerce pas dans les locaux loués une activité conforme aux stipulations du contrat.

Possible augmentation du loyer principal à raison de la sous-location

L’article L. 145-31 prévoit en revanche la possibilité pour le propriétaire de réajuster le montant du loyer principal, « lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale ».

Le bailleur peut ainsi demander une augmentation égale au montant du dépassement. L’augmentation est due à compter de la prise d’effet de la sous-location et l’action en réajustement est soumise au délai de prescription biennale prévu par l’article L. 145-60 du Code de commerce.

Il est enfin important de noter que, s’il a consenti une sous-location totale des locaux, locataire principal perd son droit au renouvellement du bail. En effet, le droit au renouvellement ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds exploité dans les locaux loués. Dans le cas d’une sous-location totale, c’est le sous-locataire qui est devenu le propriétaire du fonds.
En cas de sous-location partielle, le locataire peut, en principe, demander le renouvellement du bail pour la seule partie des locaux dans lesquels il exploite son fonds. De même, en cas de refus de renouvellement, il n’a droit à une indemnité d’éviction que pour cette seule partie.

C. Rapports entre le bailleur et le sous-locataire

En principe, il n’existe pas de lien de droit direct entre le bailleur et le sous-locataire.
Toutefois, en cas de défaillance du locataire principal, le bailleur dispose d’une action directe contre le sous-locataire pour le paiement du loyer principal, dans la limite cependant du prix de la sous-location. Ceci résulte des dispositions de l’article 1753 du Code civil.

Les questions relatives à cette relation tripartite bailleur, locataire principal et sous-locataire se complexifient s’agissant du droit au renouvellement.

IV. Droits au renouvellement en matière de sous-location

A. Droit au renouvellement du locataire principal

En cas de sous-location totale, le locataire principal perd son droit au renouvellement de son bail, en raison de l’absence d’exploitation du fonds de commerce.

En cas de sous-location partielle, le locataire principal ne peut demander le renouvellement de son bail que pour la partie qu’il exploite (en particulier si les locaux ont été divisés matériellement).

En cas d’indivisibilité (si les locaux n’ont pas été divisés matériellement), le locataire principal – dans la mesure où il continue à exploiter lui-même une partie du fonds- a droit au renouvellement total des locaux, le sous-locataire n’ayant lui pas de droit direct contre le bailleur dans une telle hypothèse.

B. Droit au renouvellement du sous-locataire

Le contrat de sous-location commerciale conclu entre le preneur à bail commercial et un tiers participe, juridiquement, d’un bail commercial et confère au sous-locataire un droit au renouvellement, qu’il peut exercer directement contre le locataire principal ou contre le bailleur lui-même.

Ce droit au renouvellement lui permet de revendiquer le paiement d’une indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement de la sous-location par le locataire principal, y compris lorsque la sous-location est irrégulière.

Le droit au renouvellement conféré au sous-locataire étant assimilable à celui conféré au locataire principal par le bail commercial, l’indemnité d’éviction versée au sous-locataire en cas de refus de renouvellement participera du même fondement et, partant, de la même nature juridique et fiscale que celle perçue par le locataire principal en cas de refus de renouvellement de son bail.

Si le renouvellement a lieu pendant l’exécution du bail principal, le sous-locataire doit demander le renouvellement au locataire principal. Toutefois ce dernier ne peut accorder le renouvellement que pour la durée restant à courir jusqu’à l’expiration du bail principal.

A noter que l’article L. 145-32 du Code de commerce prévoit qu’en cas de renouvellement du contrat de sous-location par le locataire principal, le propriétaire des lieux doit une nouvelle fois être appelé à concourir à l’acte :
« Le bailleur est appelé à concourir à l’acte comme il est prévu à l’article L. 145-31 ».
Le locataire principal doit donc remplir les mêmes formalités que lorsqu’il a l’intention de consentir une sous-location.
La Cour de cassation précise bien : « La prolongation du sous-bail pour une année, même sous forme d’avenant, exige le concours du propriétaire, alors qu’il s’agissait d’un renouvellement de bail ».

Le renouvellement de la sous-location auquel le bailleur n’aurait pas été appelé à concourir est inopposable au bailleur, sauf agrément tacite, clair et non équivoque.

Cette solution peut paraître rigoureuse, puisque le propriétaire a, par hypothèse, été appelé à la sous-location lorsqu’elle a été conclue, mais elle paraît commandée par l’analogie des textes.
Si le renouvellement a lieu à l’expiration du bail principal, l’article L. 145-32 du Code de commerce reconnait un droit direct du sous-locataire contre le propriétaire dérogeant ainsi à la règle de l’effet relatif des contrats.

Ce droit direct du sous-locataire à l’égard du propriétaire est soumis à plusieurs conditions, comme on va le voir.

C. Droit direct du sous-locataire pour solliciter un renouvellement auprès du propriétaire

À certaines conditions, le sous-locataire pourra invoquer à l’encontre du bailleur principal un droit direct au renouvellement. Ce droit direct suppose la réalisation de 4 conditions cumulatives :

1° La cessation du bail principal

Le droit au renouvellement du sous-locataire est subsidiaire : cela veut dire que le sous-locataire ne bénéficie d’un droit direct au renouvellement à l’égard du propriétaire que si le bail principal est résilié. A défaut, il doit demander le renouvellement au locataire principal.
Ce droit direct n’existe donc que si le bail principal, qui doit être soumis au statut des baux commerciaux, a pris fin, soit parce qu’il n’a pas été renouvelé, soit en raison de sa résiliation, quelle qu’en soit la cause.

2° Régularité de la sous-location

Cette condition suppose, comme on l’a vu :

  • l’autorisation de principe de la sous-location soit dans le bail, soit dans un acte postérieur ;
  • l’appel du bailleur à concourir à l’acte.

Dès lors que la sous-location est irrégulière, le « sous-locataire », qui est en réalité occupant sans droit ni titre, ne peut prétendre à un droit au renouvellement.

En cas de perte de son droit direct au renouvellement par la faute du locataire principal, le sous-locataire, en fonction des circonstances, pourra prétendre, à l’encontre du locataire principal, à la réparation du préjudice qu’il a subi du fait de son éviction.
En cas de cession du bail principal postérieure à la sous-location, le sous-locataire ne pourra toutefois diriger son action contre le cessionnaire si le cédant est à l’origine de l’irrégularité de la sous-location.

3° Divisibilité matérielle ou contractuelle des locaux

Si le sous-bail porte sur une partie seulement des locaux loués, il ne doit pas y avoir indivisibilité soit matérielle, soit conventionnelle (c’est-à-dire dans la commune intention des parties), entre les locaux loués par le bail principal et ceux sous-loués.
À défaut, il ne bénéficie pas du droit direct à l’égard du bailleur et ne peut davantage prétendre au paiement d’une indemnité d’éviction à l’encontre du locataire principal.

4° Le sous-locataire doit avoir formé une demande de renouvellement de son propre bail

Cette condition résulte d’un arrêt de la Cour de cassation du 14 juin 2006. Dans cet arrêt, le bailleur avait signifié au locataire principal un congé avec refus de renouvellement, congé qui avait alors été dénoncé au sous-locataire par le locataire principal. Le sous-locataire avait ensuite assigné le bailleur en paiement d’une indemnité d’éviction. Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, ont rejeté cette demande au motif que le « sous-locataire ne pouvait réclamer une indemnité d’éviction dont l’obtention n’était que la conséquence d’un refus du renouvellement du bail dès lors que ce sous-locataire n’avait formulé aucune demande de renouvellement de son propre bail ».

Impossible renonciation au droit direct du sous-locataire

Si l’ensemble des conditions vu supra sont remplies, le sous-locataire peut invoquer son droit direct à l’encontre du propriétaire, c’est-à-dire soit le renouvellement de son bail, soit une indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement.
A noter que, dans la mesure où le droit au renouvellement du sous-locataire à l’encontre du bailleur ne naît qu’à l’expiration du bail principal), le sous-locataire ne peut y renoncer lors de la conclusion de l’acte de sous-location, le droit n’étant pas encore né.
Le droit direct du sous-locataire est soumis à la prescription biennale de l’article L. 145-60 du Code de commerce. La prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’éviction par le sous-locataire n’a pas pour point de départ le jour où il a eu connaissance de l’expiration du bail principal, mais seulement le jour du refus de renouvellement.

Baptiste Robelin – Avocat – Droit des affaires

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Bail commercial : La sous-location est-elle autorisée ?